Debout aux côtés de Caïus, j’attendis sagement que quelque chose se passe. J’aurais donné n’importe quoi pour un peu d’action, détestant rouiller dans cette salle à écouter des gens se plaindre ou se faire tuer. Certes les voir souffrir et mourir m’amusait, mais il y avait plus excitant ! De temps à autre, je jetai un coup d’œil à ma sœur jumelle en silence. « Alec, as-tu vu Lana aujourd’hui ? » m’interrogea Aro. Je secouai la tête en signe de négation. « Non, maître. Voulez-vous que je lui porte un message ? » Il sourit et posa sa main sur mon épaule, plongeant ses yeux dans les miens. Je détestais qu’il fasse ça, comme si il cherchait à découvrir des secrets que je n’oserais jamais lui cacher. « Je veux que tu l’emmènes chasser. Elle partira avec Jane et toi pour Forks, et pourquoi pas cette chère Isabella ! Je veux qu’elle se tienne bien et se contrôle face aux humains et aux modificateurs. » Il partit dans un grand rire suraigu et applaudit, avant de retourner s’asseoir sous le regard lourd de sens de Caïus et Marcus. Je me courbai un instant et quittai la pièce en vitesse, bien trop heureux de pouvoir bouger un peu. Je souris à Jane au passage, qui me sourit en retour. J’étais certain qu’elle était jalouse et j’en étais fort désolé. J’avançai lentement dans les couloirs, profitant de cette liberté retrouvée. Je saluai Felix et Demetri d’un signe de tête et échangeai quelques mots avec eux. Nous avions hâte de pouvoir sortir de nouveau du château, chose qui nous était interdite sans autorisation des Rois. Jane, Demetri, Felix et moi adorions partir tous les quatre en mission : nous étions si coordonnés qu’on avait réellement l’air d’être de la même famille. Comme si l’on savait tout ce qui se passait dans la tête des autres, sans avoir besoin de parler. Je considérais les deux hommes comme mes frères, comme de vrais amis. Je bousculai au passage une domestique humaine qui s’écrasa contre le mur en poussant un petit cri de surprise et ris en voyant Heidi qui revenait avec un flot de touristes excités par la visite qu’ils pensaient faire du château. Cette vie était parfaite et je ne l’aurais changée pour rien au monde. Je finis par atteindre le couloir des chambres.

J’arrivai devant la porte de la chambre de Lana et lançai d’une voix calme: « C’est Alec. J’entre. » Je lui laissai quelques secondes au cas où et ouvris la porte, pénétrant dans la chambre de ma protégée et fille vampirique. Je l’avais transformée un mois ou deux plus tôt, et elle réservait de nombreuses surprises. En effet Lana avait tout bonnement refusé de boire du sang humain, ce qui avait le don de tous nous agacer au plus haut point. Un Volturi buvant du sang animal ça c’était vu une seule fois au cours de l’histoire : Carlisle Cullen. Cependant Lana était bien trop utile aux Volturi pour qu’on l’élimine ou risque de la perdre. Moi-même je ne supporterais pas de la voir loin de moi, elle qui avait une place si importante dans ma vie. Bien sûr j’étais trop fier pour l’avouer et je la laisserais certainement partir en prétextant que ça ne me faisait rien, si c’était le cas. J’observai ses yeux s’approchant davantage du doré que du rouge et esquissai un bref sourire, avant de déclarer : « Aro veut que je t’emmène chasser. Prépare-toi. » Je me retournai le temps qu’elle se change, m’intéressant aux livres sur son étagère. J’aimais énormément lire, ayant moi-même rencontré bon nombres d’auteurs célèbres au cours de mon existence. Toutefois je n’avais plus réellement le temps aujourd’hui. « Quel est ton livre préféré ? » demandai-je pensivement, tandis que je rouvrai la porte pour sortir sans un regard vers elle. Avant nous nous parlions avec moins de réserve, plus naturellement. Mais depuis que je l’avais transformée, nous étions moins proches pour une raison absolument idiote : l’odeur de son sang me manquait tellement que je n’avais pas l’impression d’être en compagnie de Lana. Ma Tua cantante n’était plus celle que j’avais désirée avec une force incroyable, bien que ce soit encore le cas. Non, il y avait quelque chose qui me bloquait et que j’avais du mal à surmonter. Je me sentais si idiot, puéril ! Comme un petit garçon face à son premier amour. Cette sensation était tout à fait désagréable et c’était Lana qui en payait le prix.

Quand je me retournai, Lana ferma la porte de sa chambre et me fit face. Je coinçai une mèche de ses cheveux derrière son oreille avec un sourire. « Tu es ravissante, ces vêtements te vont très bien. » Je me mordis la lèvre un instant et me détournai, avançant rapidement dans le couloir. Lana était encore un nouveau-né et était plus rapide que moi, elle n’aurait aucun mal à me rattraper. Je devais faire attention à chaque instant que nous ne perdions pas le contrôle de la situation, tant la soif d’un nouveau-né était imprévisible. Pourtant ma fille vampirique faisait preuve d’un aplomb surprenant en ce qui concernait le sang humain, aplomb que je n’aurais jamais eu la force d’avoir. « Je t’emmène à la réserve naturelle, un peu en dehors de la ville. Là-bas il n’y a personne à une heure aussi avancée de la soirée et tu ne seras pas détournée de ton objectif. » Je n’insinuai pas là que Lana se préoccupait uniquement de moi, mais le moindre bruit que je ferais pourrait lui être fatal. Les gardes hésitèrent à nous laisser sortir, n’ayant pas été prévenus. Je baissai ma capuche et levai la main en l’air. En voyant la fumée noire qui commençait à s’en échapper, il ouvrit immédiatement, terrifié. Je lâchai un rire amusé et ne me gênai pas pour envoyer un coup de poing dans le ventre du garde qui n’osa pas riposter, en se courbant en deux. Lana et moi traversâmes la cour puis d’autres portes gigantesques, avant de se retrouver dans les rues de Volterra. J’aimais profondément cette ville, chaleureuse et colorée, regorgeant de touristes et de jeunes filles au sang délicieux. J’abordai alors une question dont je n’avais pas encore parlé avec elle : « Tu te sens bien au château ? C'est la première fois que je te le demande, ça fait un moment pourtant que tu es là. » Aro m’avait demandé d’enquêter auprès elle, afin d’user du don de Corin sur Lana dans le cas inverse. Je n’avais pas vraiment envie d’en arriver là, mais s’il fallait le faire … Ma question semblait au premier abord innocente, tant et si bien qu’elle ne pourrait pas savoir que ce n’était pas ma propre requête.

Je fis en sorte d’emprunter des ruelles dans lesquelles nous ne croiserions personne, tenant fermement sa main. La faim commençait moi-même à me gagner et je le faisais davantage pour moi que pour elle. Sa présence m’apaisait un peu et je ne pouvais pas risquer de m’attaquer à quelqu’un devant Lana. Quand je fus certain que nous ne risquions plus rien je me mis à courir, appréciant cette vitesse légendaire dont les vampires faisaient preuve. Je ne m’étais jamais senti aussi vivant que durant mes premiers mois en tant que vampire, comme si tout n’était que pur émerveillement. Le monde était à mes pieds, j’étais invincible. Je me souviendrai toujours de ma première course : Jane et moi nous sommes souris et nous avons foncé droit devant nous, grisés par cette force et cette vivacité nouvelles. Nous pensions finir par nous épuiser mais il n’en fut rien. Nous revînmes vers Aro, Caïus et Marcus avec le sourire aux lèvres, surexcités. Pourquoi est-ce le monde vampirique ne reconnaissait pas la grandeur d’âme des trois Rois ? Ils avaient tant fait pour chacun de nous, il était impensable de se rebeller contre eux. Le temps que je réalise, nous étions à l’entrée du parc. Je jetai un coup d’œil aux alentours, tendant l’oreille afin de m’assurer qu’il n’y avait pas de trace humaine. Dans sa cabine, un gros homme aux allures de porc ronflait, carabine serrée contre lui. Je sautai sur un arbre et escaladai ses branches sans difficulté, avant d’inviter Lana à en faire de même. Puis nous sautâmes de l’autre côté et je lui souris. « La chasse commence. Ferme les yeux et concentre-toi. » Le hululement d’une chouette, les aboiements d’un chien, des bruits de sabots écrasant le sol … Elle n’avait que l’embarras du choix. Dans son dos, je m’approchai davantage d’elle et mes lèvres s’arrêtèrent à quelques millimètres de son oreille. « Vas-y, je te suis. » Je la laissai prendre une avance respectable et m’élançai à mon tour.