Le train acheva sa course folle à travers les districts dans un crissement de rails dans la gare du district 2. La tête de Summer, qui était alongée par terre, se cogna violement contre le coin de la table, renforçant ces terribles maux de crâne qu'elle avait depuis son départ du 12. Pas si facile que ça de quitter l'endroit où on a toujours vécu pour affronter le monde extérieur... Oh, bien sûr, Summer était déjà partie pour se rendre dans le district 13 mais elle n'avait pas eu le choix. Là, elle ne pouvait s'empêcher de se demander si elle n'était pas en train de faire une énorme connerie. Et puis... Elle était partie sur un coup de tête. Peut être aurait-elle dû prendre un peu de recul avant de sauter dans ce tâs de ferraille ? Peut être aurait-elle dû en parler à un ami ? Pfff ! Mais de qui se moquait-elle ? Elle n'avait pas d'amis. Elle était seule. Personne n'aurait pû l'aider.

Elle se releva, évitant que le troupeau de passagers qui étaient pressés de sortir ne l'écrase et jeta un coup d'oeil par la fenêtre. A travers les nuages de fumée grise que rejetait le train, on appercevait un grand quai, peuplé d'une vingtaine de personnes agitées et d'une poignée de pacificateurs. La gare du district 2 ne ressemblait en rien à notre vieille batisse pourrie du 12. Elle était immense, très peuplée, les gens couraient dans tous les sens, et puis tout était propre. Chez nous, même avant que le district ne crame, tout était gris et sale à cause du charbon qui s'échappait des mines. Alors imaginez ce qu'il en était aujourd'hui ! Ce n'était même plus le charbon qui rendait tout sombre, c'était les cendres de nos voisins, de nos amis, de nos familles qui recouvraient tout.

Summer réussit à se faufiler entre les voyageurs pour récupérer son sac. Ce minuscule objet contenait toute sa vie : deux pantalons qu'elle avait récupérer dans une maison abandonnée dans son district, trois tee-shirts, une petite robe grise qui avait appartenu à sa mère - elle portait cette robe là quand le district a brulé - une photo de sa famille avant la mort de sa mère et Mr Black, son vieil ours en peluche qui avait on ne sait comment survécu aux flammes.
Son unique bagage dans la main, la tête haute, le regard droit, Summer descendit les marches du train une à une et posa un pied sur sa nouvelle vie.

Donc voilà, Summer était là, plantée comme une débile au milieu du quai, sans savoir quoi faire ni où aller. Elle n'avait pas de plan. Elle n'avait pas de logement. Elle avait de l'argent, oui, mais elle était tellement perdue qu'elle n'y pensait même pas. Son but était de retrouver Gale. Mais avant, elle devait stabiliser sa situation parce que débarquer comme une clocharde devant la personne qu'on admire le plus, ce n'est pas très malin. Elle décida donc de sortir de la gare. Seulement... Sortir de ce labyrinthe n'était pas si facile. Elle emprunta mille et un couloirs, elle franchi une vingtaine de portes, elle passa devant énormément de gens mais elle ne parvint pas à trouver la sortie. Revenue sur le quai où elle avait débarqué, elle se laissa tomber sur un banc en ciment, fatiguée de s'agiter pour rien.

Elle était là, avachie sur son siège quand son regard croisa des yeux gris qu'elle connaissait plus que trop bien. Elle fixa Gale, sans pouvoir bouger ou dire le moindre mot. Elle aurait voulu disparaître. Elle était dans un état et dans une position tellement lamentable ! Alors que lui, il était toujours aussi grand, aussi beau, aussi rassurant...

Ils restèrent plusieurs secondes ainsi, à se fixer dans les yeux, sans bouger, alors que tout autour était si agité... C'est Summer qui baissa les yeux en premier. Elle avait honte d'elle. Elle n'était qu'une gamine stupide, abandonnée de tous. Fixant ses pieds pour ne pas recroiser le regard du garçon qui lui avait sauvé la vie quelques mois plus tôt, elle ramassa son sac et se leva pour s'enfuir le plus loin possible. Elle se hâta dans une direction inconnue, sans quitter le sol des yeux, espérant que Gale ne l'ai pas reconnue. Seulement voilà, quand on se met à courir n'importe où sans regarder devant sois, on a souvent de mauvaises surprises. Sa course s'arrêta au moment où elle rentra droit dans un mur. Puis tout devint noir.

Quand elle ouvrit les yeux, elle était alongée sur le sol de la gare, entourée de plusieurs personnes qui la regardaient avec de gros yeux.
- Eh merde.. Lança t-elle en se redressant.
Mauvaise idée. Sa tête brula violement et elle sentit ses muscles relacher d'un coup. Une main passa dans son dos, l'empêchant de retomber par terre. A quelques centimètres de son visage, les yeux de Gale la fixaient. Encore une fois, il avait pris soin d'elle alors qu'il ne la connaissait pas. Pourquoi ?

Elle prit une grande inspiration et se releva doucement. La foule qui s'était regroupée autour d'elle se dispersa et elle resta seule avec Gale.
- ... Merci. Murmura t-elle.
Elle aurait dû dire plus, dire autre chose, mais elle en était tout simplement incapable. Elle devait avoir l'air stupide, mais après tout ce qui venait de se passer, plus rien ne pouvait la rendre plus ridicule que ce qu'elle était déjà. Plus rien.